A l'aube des temps, il y a un fleuve, né dans un glacier alpin et qui s'est frayé sa route cap au sud, jusqu'à ce mariage avec la Méditerranée qui reste sa seule raison d'être. Son obsession. Il y a deux mille ans et quelque, la vigne, amenée par les premiers voyageurs grecs puis développée par les Romains, suit exactement le chemin inverse. Elle se pose près de la mer puis musarde au fil du grand fleuve, s'épanouit entre Avignon et Orange, et se hasarde vers le nord, jusqu'aux portes de Vienne, à deux pas de Lyon.
Le vin se souvient du Rhône. Il en est le fruit, comme on le dit des
êtres de vie et de sang, des êtres d'amour, mais ici c'est l'eau et la
terre qui ont fusionné, la terre où se sont posés les galets polis par
le fleuve, et où les ceps ont puisé leur énergie, leur puissance,
révélés par le savoir et la passion d'hommes et de femmes qui perpétuent
le rite.
Ils sont un peu plus qu'un groupe, mieux qu'une association ou
confrérie, capable de transmettre sa flamme ou même quelques secrets.
Des contreforts de la Sainte Victoire aux coteaux de vertige d'Ampuis,
de Condrieu ou de Cornas, des plaines roulées de galets de la Drôme sud
ou de Châteauneuf du Pape, ils sont les héritiers contemporains,
modernes, d'une culture bimillénaire, d'un savoir-faire, d'un
savoir-vivre.
Une fratrie, au sens propre, frères et sœurs d'une même famille, soudée
autour des vignes, à l'affût du beau, du bon, du grand vin, celui qui
donne la soif de vivre, et le désir d'avancer, et de chercher ensemble à
faire meilleur, plus beau, plus grand encore, pour l'amitié, pour le
plaisir et l'émotion du partage, de l'échange, de la connivence. Pour le
bonheur des origines.
Le bonheur pur fruit. Et tout de suite ...